Génération désenchantée

 

Nos défaites dresse un portrait de nos rapports à la politique par un jeu de réinterprétation par des lycéens, d’extraits issus du cinéma post-68, associé à des interviews de ces jeunes acteurs. Comment appréhendent-ils le monde dans lequel ils grandissent et surtout, auraient-ils envie de le changer, de le détruire ou d’en construire un nouveau ?

Construit à partir d’un travail d’atelier avec des élèves de première de la ville d’Ivry-sur-Seine, aux portes de Paris, Nos défaites propose un questionnement sur le sens du politique à des adolescents confrontés alors à un domaine qui leur paraît étranger. Jean-Gabriel Périot explique alors pourquoi il a montré des images de documentaires de la fin des années 60. « Le cinéma engagé des années post-68 m’est apparu comme un moyen de justement les mettre en face de quelque chose qui pouvait leur sembler éloigné de leurs préoccupations habituelles.  Tout part du désir de les entendre se réapproprier des images et des mots éloignés d’eux, puis de les entendre se réapproprier des images et des mots éloignés d’eux, puis de les entendre parler d’eux depuis ces mots-là, depuis ces images-là. »

L’exercice sur une longue période de tournage n’évite pas parfois le piège d’une certaine répétitivité, mais il a le mérite de laisser ces adolescents mettre en scène à leur manière et avec leur sensibilité un remake des extraits de documentaires d’époque – de La Chinoise, de Godard à À bientôt j’espère, de Chris Marker et Mario Marret – qu’ils avaient, eux-mêmes, choisis dans une liste de trente films environ. Ce documentaire permet aussi de donner la parole à des personnes qui l’ont peu ou pas et revisite des thèmes politiques qui semblent banals. Ainsi quand une élève évoque « l’anarchisme », un autre parle de « communisme » ou de « libéralisme ». D’autre part, on ne peut qu’être surpris par la manière dont ces élèves s’approprient les textes rejoués comme s’il s’agissait d’un vécu personnel, alors même que certains avouent leur difficulté à les comprendre de prime abord.

En découvrant les enfants d’une génération désenchantée, on mesure à quel point l’approche politique classique a du plomb dans l’aile. Même s’ils ne sont pas amorphes ou abattus, ils semblent se raccrocher à l’espoir d’un bonheur proche. Certains pourtant, tel Ghais, semblent concernés par le monde qu’il entoure et arrivent à formuler clairement des ébauches d’engagement. Et dès qu’on touche au concret – la scène finale où ils rejouent l’humiliation subie par des élèves du lycée Saint-Exupéry, de Mantes-la-Jolie, mis à genoux et filmés par des policiers et dans laquelle on entend un homme des forces de l’ordre se moquer d’eux – ces jeunes adultes sont aussitôt concernés.

Nos défaites apparaît, in fine, comme la volonté de redonner vie à un cinéma plus politique dans une époque où les luttes semblent de l’ordre d’un passé nostalgique.

 

Travelling
6 octobre 2019
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